Remue-ménage en vue dans le Top 50 des médicaments les plus vendus au monde. L’anticancéreux Keytruda devrait bientôt se hisser sur la première place du podium. Son chiffre d’affaires pourrait franchir le cap des 20 milliards de dollars en 2023 et atteindre 22 milliards l’année suivante, selon l’institut Evaluate Pharma, cité par une étude de S&P. Soit un doublement de ses ventes en quelques années, ses recettes annuelles pour 2019 étant estimées à plus de dix milliards de dollars après 7,2 milliards en 2018, l’année de son lancement.
Le médicament du laboratoire américain Merck-MSD (qui faisait partie du portefeuille de Schering-Plough, acquis il y a dix ans) s’apprête donc à détrôner Humira (de la biotech AbbVie), prescrit contre des maladies inflammatoires (Crohn, psoriasis…), vendu depuis plus de quinze ans. Après avoir atteint 20,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2018, les ventes d’Humira devraient chuter de 8 % par an, à 12,4 milliards en 2024 : l’ex-médicament star pâtit de la montée en puissance des biosimilaires (génériques des médicaments biologiques) dont les premiers sont arrivés sur le marché à l’automne 2018.
Levier de croissance
La performance attendue de Keytruda s’explique par son potentiel international et surtout par le développement de ses indications: approuvé il y a cinq ans pour soigner le mélanome, un cancer de la peau, Keytruda est aujourd’hui prescrit dans quelque dix autres types de cancer (poumon, carcinome, cervical…), seul ou en combinaison avec d’autres traitements. Il est en attente d’autorisation dans six autres indications (foie, sein, prostate, colorectal…). Il vient d’être approuvé en Chine pour le traitement du cancer du poumon, le segment à plus fort potentiel, avec chaque année 2 millions de nouveaux malades diagnostiqués dans le monde, dont un tiers en Chine.
Les prévisions de ventes de Keytruda s’expliquent aussi par son prix élevé (6 000 euros par mois et par patient en France), nettement supérieur à celui des chimiothérapies. Ce médicament devrait assurer à Merck-MSD une très forte croissance. Le chiffre d’affaires du laboratoire pourrait passer de 35 à 50 milliards de dollars d’ici à 2024. Il devrait continuer à creuser l’écart avec son rival Opdivo (BMS), promis à la quatrième place du classement d’ici 2024.
Immunothérapie des cancers
L’ascension de Keytruda et d’Opdivo illustre la percée de l’immuno-oncologie (ou immunothérapie des cancers) sur le marché pharmaceutique mondial. L’objectif de ce type de traitements est d’aider le système immunitaire à reconnaître et à attaquer les cellules cancéreuses. Réservé à certains types de cancer, ils ne permettent aujourd’hui de traiter qu’environ 20 % des patients atteints. Mais ces derniers peuvent espérer un allongement de leur durée de vie, voire des rémissions complètes. Depuis cinq ans, ce segment est le principal vecteur de croissance du marché. Ses revenus devraient tripler d’ici 2024, à 70 milliards de dollars de chiffre d’affaires (contre 20 milliards en 2018), soit un quart du marché total de l’oncologie.
Si tous les grands labos s’y sont mis, quatre Big Pharma (Merck-MSD, BMS, Roche et AstraZeneca) tirent le marché. «Ils veulent tous tenter leur chance, ajoute Nicolas Baudouin, l’auteur de l’étude de S&P. Le cancer étant une maladie multifacettes avec une multitude d’indications et de segments de niche, cela offre un vaste champ d’action, y compris aux retardataires et aux biotechs.» Et de poursuivre: «La grande inconnue reste Roche, l’un des champions du cancer, qui concurrence désormais Merck-MSD en immuno-oncologie avec son médicament vedette (Tecentriq)et des résultats cliniques prometteurs.»
La frénésie d’acquisitions observées ces derniers mois illustre cet appétit. La plus emblématique a sans doute été celle de Celgène par BMS il y a un an.
Source : Le Figaro