Un excellent article de Julien Venesson, Journaliste scientifique, fondateur du laboratoire UNAE et qui montre que le premier critère qui guide le choix des consommateurs lors de l’achat de denrées alimentaires est le prix, comme l’indiquent de façon constante les enquêtes portant sur nos habitudes de consommation.
La qualité gustative du produit, sa composition nutritionnelle ou sa provenance arrivent loin derrière dans la liste des préoccupations. Au risque de favoriser la malbouffe, bien plus accessible financièrement que la nourriture saine, comme l’a mis en évidence une étude menée chez nos voisins belges.
On a encore du chemin à parcourir pour limiter les risques entre alimentation et cancer…
La balance entre les produits industriels et les aliments sains
Les chercheurs se sont intéressés aux habitudes de consommation de 3146 personnes de tous âges, appartenant à différents groupes socio-économiques. Les participants ont rempli un questionnaire à deux reprises, consignant l’ensemble des produits consommés sur 24 heures.
Les scientifiques ont ensuite exploité un fichier rassemblant les prix de plus de 2000 produits de consommation courante, pour évaluer les dépenses alimentaires de chacun.
Chaque aliment a été classé dans la catégorie :
- des « produits alimentaires ultra-transformés », c’est-à-dire les produits industriels (plats préparés, viennoiseries, snacks…) souvent riches en sucre, en sel, en additifs, en matières grasses de mauvaise qualité
- ou des « produits alimentaires peu ou pas transformées », constitués de produits bruts (fruits et légumes, farines, viandes…).
Les chercheurs ont ainsi pu se faire une idée précise des apports énergétiques quotidiens fournis par ces deux catégories d’aliments, le coût qui y est associé et la part du budget qui leur est consacrée par les familles.
Les produits ultra-transformés coûtent moins cher que la nourriture saine
Les chercheurs ont montré que les produits sains coûtent beaucoup plus cher que la malbouffe, pour un même nombre de calories. Là où 100 kcal de produits ultra-transformés reviennent à 0,55€, il faut débourser 1,29 € pour la même quantité de calories fournie par des aliments sains.
Si l’on considère la ration calorique quotidienne d’une personne de taille et poids standard, soit 2000 kcal, pour toute augmentation de 1% des apports énergétiques fournis par la malbouffe, le budget quotidien diminue de 0,010 € , alors qu’il augmente de 0,048 € avec la nourriture saine.
Pour les ménages dont le budget est serré, on comprend aisément que le surcoût de la nourriture saine puisse représenter un frein à l’achat.
On conçoit aisément que le facteur économique soit un frein à l’accès à une alimentation saine
La part des dépenses consacrées aux aliments sains varie selon le statut socio-économique
Entre les différents membres de la famille, l’étude a mis en évidence que ce sont les adolescents qui consacrent la part de budget la plus faible à la nourriture saine (29,5%), et les femmes la plus élevée (42,3%).
Mais un autre élément est déterminant : le niveau socio-économique des familles. Chez les plus privilégiées, une part plus conséquente du budget alimentaire est consacrée aux aliments sains : 39,3%, contre 36% pour les foyers plus modestes si l’on se réfère aux adultes, mais la tendance est comparable pour les enfants et adolescents.
Le prix des aliments sains est un frein à la santé de la population
Ces chiffres mettent en évidence une injustice manifeste quant à l’accès aux aliments qui favorisent la santé, matérialisée par le coût beaucoup plus élevé des aliments sains par rapport aux aliments transformés.
Le vrai coût de la malbouffe est ailleurs : santé publique et impact environnemental
Le faible prix payé par le consommateur final pour accéder à l’alimentation industrielle est en décalage avec son impact économique réel.
Les méfaits d’une alimentation de mauvaise qualité sur notre santé sont bien identifiés. Une étude estimait récemment que 2 cas sur 3 de maladies cardiovasculaires sont liés à une alimentation déséquilibrée. Les dépenses de santé qui y sont associées sont colossales. Tout comme celles qui découlent de ses méfaits sur l’environnement, liées aux pratiques agricoles intensives polluantes, au suremballage, aux contraintes de conservation et de transport.
Un plaidoyer pour l’adoption de mesures politiques en faveur de l’accès à une alimentation saine
La dimension économique de l’alimentation étant déterminante, les auteurs de l’étude plaident pour que le gouvernement belge actionne des leviers pour rééquilibrer cette injustice liée au surcoût des aliments sains. Accéder à une nourriture de qualité est en effet un axe essentiel pour améliorer la santé des citoyens.
Pour appuyer leur propos, les chercheurs citent l’exemple de pays qui ont pris des mesures fortes pour amener la population à consommer moins d’aliments ultra-transformés : le Chili par exemple qui a limité le marketing de ces produits ciblant les enfants, ou encore le Mexique et la Hongrie qui leur appliquent des taxes.
Dans notre pays, une « taxe soda » pénalise les boissons les plus sucrées depuis 2013 et a été modulée en 2018. Une mesure de ce type adoptée à Philadelphie a conduit à une baisse de 38 % de la vente de ces boissons.
Références
- Vandevijvere S et al., The Cost of Diets According to Their Caloric Share of Ultraprocessed and Minimally Processed Foods in Belgium, Nutrients., 2020
- Gregory A. Roth et al., Global, Regional, and National Burden of Cardiovascular Diseases for 10 Causes, 1990 to 2015, J Am Coll Cardiol., 2017
- Roberto CA et al., Association of a Beverage Tax on Sugar-Sweetened and Artificially Sweetened Beverages With Changes in Beverage Prices and Sales at Chain Retailers in a Large Urban Setting, JAMA., 2019
source : JulienVenesson