Notre système de santé est en crise. Au-delà des aspects structurels, il souffre de son approche, trop axée sur la performance technique et le diagnostic. Dans ce cadre, la médecine classique a tendance à se focaliser sur la maladie ou l’organe malade, au lieu d’appréhender le patient dans sa globalité (aspect physique, psychique, émotionnel, etc.).
Elle ne prône souvent que des interventions invasives et des traitements médicamenteux, sources d’autres problèmes potentiels de santé. Face à ces limites et ces risques, les patients s’orientent de plus en plus vers des médecines complémentaires ou appelées médecines douces. L’on pense notamment à l’homéopathie, l’acupuncture, l’ostéopathie et la naturothérapie.
Certains établissements de santé préfèrent donc combiner les pratiques complémentaires et la médecine classique pour créer ce qu’on appelle la « médecine intégrative ». Dans son interview à L’Illustré, le Professeur Bonvin, directeur général de l’Hôpital du Valais (Suisse), souligne qu’« elle diffère d’une approche cartésienne strictement axée sur le diagnostic et l’organe malade en incluant la sensibilité, les croyances, les attentes, les choix et les perceptions du patient autant que son environnement afin qu’il trouve la façon la plus appropriée d’être en santé ».
« 60% des patients souffrent de maladies chroniques »
En Suisse, où 49% des habitants ont déjà eu recours au moins une fois dans leur vie aux médecines complémentaires, de plus en plus de centres de médecine intégrative voient le jour, que ce soit en cabinet privé ou à l’hôpital. Le succès de ces thérapies repose sur leur capacité à traiter des maladies chroniques, véritable fléau dans nos sociétés actuelles.
« Oui, si l’on considère qu’en raison de la diminution des maladies aiguës et du vieillissement de la population, 60% des patients souffrent de maladies chroniques », confirme Éric Bonvin. « Les médecins pratiquant la médecine intégrative prônent une approche multidimensionnelle dans des affections de longue durée comme le diabète, l’asthme ou les douleurs articulaires », explique le psychiatre et expert en homéopathie.
Renforcer l’enseignement de la médecine alternative
Dans cette approche plus globale et multidisciplinaire de la maladie, le patient redevient un acteur de ses soins. Ce qui permet d’accélérer sa guérison. Il s’agit donc d’une pratique humaniste, contrairement à la médecine conventionnelle trop souvent dépersonnalisée, selon Éric Bonvin, qui appelle au renforcement de l’enseignement de la médecine intégrative à l’université.
Déjà « en Suisse, il est possible de faire un FMH en médecine chinoise, anthroposophique ou en homéopathie et en phytothérapie. Avec l’Allemagne, notre pays fait figure de bon élève en la matière en Europe. Il existe plusieurs centres de médecine intégrative en Suisse romande et plusieurs hôpitaux ont mis sur pied des pôles de médecine intégrative, comme le CHUV avec son Centre de médecine intégrative et complémentaire (CEMIC) ou l’hôpital de Fribourg avec son unité pédiatrique de médecine intégrative », relève le médecin.
Remettre le facteur humain au cœur des méthodes de validation
Éric Bonvin appelle en outre à faire évoluer les méthodes d’évaluation des médecines complémentaires. Selon lui, « la validation scientifique est importante si on veut sortir de la croyance. Mais du fait que les études randomisées en double aveugle basées uniquement sur la preuve scientifique ne fonctionnent pas dans des techniques de soins où la subjectivité, donc l’humain, entre en considération, il va falloir diversifier les méthodes de validation pour les adapter à chaque thérapie ».
Il préconise ainsi d’inclure la subjectivité du patient, seul baromètre de l’efficacité d’un traitement. « Cela passera par une remise en question de la finalité du système de santé, qui se cantonne aujourd’hui au seul effet des traitements sur la maladie et non sur le malade », insiste le psychiatre.