Coronavirus et cancer : chimiothérapie, immunothérapie, hormonothérapie, quels sont les risques ?
Alors que l’épidémie de coronavirus s’étend, les malades de cancer s’interrogent : sont-ils particulièrement « à risque » ? Faut-il continuer les traitements, chimiothérapie ou immunothérapie qui font chuter les globules blancs, diminuant les défenses immunitaires ? Quid de l’hormonothérapie ? Des corticoïdes ?
Réponses du Dr Paul Cottu, chef adjoint du département d’oncologie médicale de l’Institut Curie.
Que peut-on répondre aujourd’hui aux patients qui craignent que leur immunité soit fragilisée par le cancer et ses traitements ?
Dr Paul Cottu: D’abord, il faut bien comprendre que ce que l’on conseille un jour donné peut être amené à évoluer très rapidement. Le Covid-19 est une maladie récente. Nous n’avons pas encore suffisamment de connaissances sur ce virus et en particulier sur ses éventuels liens avec le cancer : c’est pour cela qu’il est difficile d’avoir dès maintenant une vision scientifiquement fondée.
Les premières données dont nous disposons suggèrent que la fragilité des patients est bien plus liée à leur terrain personnel (âge, tabagisme) qu’au cancer lui-même ou ses traitements. Mais la situation et les connaissances évoluant rapidement, la communication sera mise à jour en permanence.
Les patients doivent accélérer leur rythme de consultations ?
Surtout pas ! L’esprit général des mesures est de limiter le plus possible les déplacements et réunions (y compris familiales par exemple) et de respecter le confinement.
Nous allons d’ailleurs développer au maximum les téléconsultations pour les consultations de suivi, le renouvellement d’ordonnances par courrier et déléguer ce qui peut l’être en hospitalisation à domicile. Pour les consultations qui doivent impérativement avoir lieu ici, à l’Institut Curie, nous allons d’ailleurs mettre en place des mesures d’éviction des accompagnants- sauf évidemment pour les situations humainement les plus délicates, comme les enfants ou les malades très fragiles qui ne peuvent être seuls- de façon à limiter le plus possible la promiscuité au sein de l’hôpital.
Le coronavirus est particulièrement dangereux pour les immuno-déprimés : n’est-ce pas toujours le cas lorsqu’on souffre d’un cancer ?
Cela dépend des cancers. Dans le cancer du sein, l’immuno-dépression est en général assez modeste. Il est exceptionnel que l’on ait des infections liées à l’altération de l’immunité. Les malades qui souffrent de cancers du poumon sont beaucoup plus fragiles face au risque d’une infection pulmonaire, de manière très liée à leur terrain médical sous-jacent. Ceux qui sont atteints de cancers ORL aussi, parce que leur état général est souvent moins bon. Les personnes âgées également en raison de leur âge.
Toutes le chimiothérapies doivent-elles être poursuivies ? Les chimiothérapies ne rendent-elles pas plus fragiles ?
La plupart des chimiothérapies standard ne posent pas de problème infectieux réel. Dans certains cas limites, il est en revanche possible, par principe de précaution, que l’on décale les traitements qui ne sont pas urgents-il n’y a pas forcément toujours d’urgence dans un cancer- en en discutant avec les patientes. Par exemple pour les chimiothérapies adjuvantes dans nombre de situation (une chimiothérapie « adjuvante » est une chimiothérapie qui « traite » le risque de récidive).
« Il est possible de décaler, par principe de précaution, certaines chimiothérapies adjuvantes »
Les traitements s’accompagnent souvent de prise de cortisone contre les douleurs inflammatoires. Faut-il continuer la cortisone?
La cortisone, a effectivement un effet immunosuppresseur, mais cela ne pose pas de problème si le traitement est ponctuel. Pour les malades qui sont sous traitement corticoïdes au long cours, c’est à dire pendant plusieurs semaines, on ne peut pas envisager de l’arrêter chez tout le monde : il faudra évaluer, au cas par cas, au regard de l’état médical de chacun, le bénéfice de poursuivre ou non ce traitement.
Les anciens malades avec un cancer en rémission ou guéris présentent-ils des risques particuliers?
Pour tous les patients qui ont terminé leurs traitements anticancéreux, il n’y a aucun risque particulier : leur état physiologique est normal, ils ne sont donc pas plus « à risque » que l’ensemble de la population.
« Les anciens malades ou les femmes qui sont en hormonothérapie ne sont pas plus « à risque » que l’ensemble de la population »
Quid de l’hormonothérapie ?
Même chose pour celles qui, à l’issue de leurs traitements, sont aujourd’hui uniquement sous hormonothérapie : il n’y a aucun lien rationnel entre hormonothérapie et risque d’infection virale. Il n’y a pas plus de risque d’être plus sujet à une infection, ni, si on en est atteint, qu’elle soit plus grave.
Et les thérapies ciblées ?
Il y a probablement quelques médicaments pour lesquels il va falloir être vigilants. Certaines thérapies ciblées et immunothérapies induisent en effet une fragilité pulmonaire : elles n’augmentent pas le risque d’être infecté, mais celui que l’infection, si elle survient, soit plus grave. Nous sommes actuellement en train de lister ces médicaments, non seulement à l’Institut Curie, mais en échangeant avec nos collègues en France et à l’étranger. Cela va aller vite. Cette liste établie, dans le courant de la semaine (nous vous en informerons dès qu’elle sera publiée, ndlr), on décidera alors au cas par cas, pour chaque patient, soit de ne pas initier tout de suite le traitement, soit de faire une pause.
Propos recueillis par Claudine Proust pour rose-up
Les poumons sont les premiers organes touch s par les infections survenant chez des malades immunod prim s. Il existe 2 types d immunod pression : soit li e au virus du SIDA (VIH), soit secondaire l immunod pression non-VIH . Dans ce dernier cas l immunod pression est secondaire une maladie h matologique ou une transplantation d organe ou au traitement des cancers ou des traitements immunosuppresseurs prescrits au long cours pour des maladies auto-immunes. Si les traitements antir troviraux ont fait diminuer l immunod pression li e au VIH, l allongement de la survie des malades atteints de cancer et le d veloppement de nouveaux traitements immunosuppresseurs font que le nombre de malades immunod prim s non VIH avec infection pulmonaire est en augmentation constante, en particulier en cas de globules blancs et d anticorps bas ou en cas de d ficit lymphocytaire T. Les microbes potentiellement en cause sont tr s nombreux, dont certains sont des opportunistes car ils sont non virulents chez une personne saine, mais ils peuvent se d velopper et deviennent pathog nes chez des malades immunod prim s (champignons tels que pneumocystis ou aspergillus). La prise en charge de ces pneumonies est d autant plus complexe qu elles peuvent s intriquer des complications non infectieuses de l immunod pression. La recherche du microbe responsable est indispensable.