RECOMMANDATIONS PRATIQUES
pour l’utilisation du curcuma en prévention et accompagnement du traitement du cancer.
Par le Dr Jean Loup Mouysset
Oncologue médical
à Aix en Provence
Président fondateur de l’association Ressource
Soutien des personnes atteintes de cancer et leur entourage
www.association-ressource.org
Le CURCUMA fait partie des plantes protectrices mentionnées dans des traités
de santé gravés sur des tablettes de pierre datant d’environ 3000 ans avant JC.
Il est extrait du rhizome d’une plante qui donne une très belle fleur rose (que
l’on trouve chez les fleuristes !).
• Le Curcuma longa, racine jaune de la famille du gingembre, très utilisé et en
grosse quantité en Inde, sert traditionnellement à la préparation de mets à
base de curry, où il se trouve traditionnellement associé au poivre notamment.
• La curcumine (une des molécules du curcuma la plus active biologiquement)
est une substance aux propriétés antioxydantes, anti-carcinogènes (protection
anti-pollution), antiinflammatoires et anticancéreuses
• Dans les pratiques médicales asiatiques et indiennes son utilisation est
conseillée dans les cas suivants :
- Arthrite rhumatoïde, inflammations articulaires et troubles auto
immunitaires
- Prévention des inflammations cardio vasculaires et en cas de prédisposition aux thromboses
- Prévention de cancers du colon, du système digestif et autres cancers en cours d’études
•Troubles gastro intestinaux, ( Crohn, colites, dyspepsie, …)
•Sclérose en Plaques (S.E.P)
•Démence, Prévention d’Alzheimer
•Réductions des inflammations et lésions de la peau et au cours des
radiothérapies
•Réductions des inflammations du poumon, Asthme
•Régénération des cellules hépatiques ( alcool, polluants hépatiques
etc)
•Obésité pour son effet catabolique sur les graisses et sur le cholestérol
Lutte contre les infections virales et les inflammations générales
RECOMMANDATIONS D’USAGE :
Pas de recommandations particulières si utilisation de type alimentaire (moins
d’une cuillère à café par jour de curcuma) : en effet, en prévention, l’apport
d’une cuillère à café (avec du poivre pour améliorer son absorption intestinale)
semble suffisant. ( prise seule, selon la qualité des curcumines, seulement 5 à
60% de la curcumine est absorbée par la muqueuse intestinale pour un effet
systémique = c.a.d. passage dans le sang pour diffusion dans l’organisme).
L’association de corps gras ( huile de poisson, acides gras essentiels, huile
d’olive, huile de colza) améliore aussi l’absorption, ainsi que la bromélaïne
(présente dans l’ananas) ou le gingembre.
Par contre si utilisation de fortes doses / compléments alimentaires, voici
quelques éléments :
En accompagnement des traitements, les doses sont augmentées :
- 1 cuillère à soupe, qui correspond à environ 300 mg de curcumine, à
mélanger à du poivre noir ( qui représentera 1% environ de la quantité
dans la cuillère à soupe)
- à … 4 cuillères à soupe dans les inflammations aigues (= 1200 mg
environ de curcumine), selon l’effet constaté. Inutile d’aller au delà en
terme de quantité.
Des laboratoires proposent des gélules d’extraits de curcuma qui sont alors
de la curcumine (principe actif isolé), souvent associées à de la pipérine
(extrait du poivre) : les doses vont varier suivant les laboratoires.
Certains laboratoires l’associe avec de la bromélaïne (trouvé dans l’ananas
notamment) qui améliore également l’absorption de la curcumine.
-
1. AVEC LA CHIMIOTHERAPIE :
o Associations incertaines : en l’état des connaissances, il paraît
souhaitable d’éviter la prise de Curcuma le jour des
chimiothérapies, et le ou les jours suivants, la durée étant variable
avec la durée d’action recherchée de la chimiothérapie = risque
d’inhibition partielle de l’efficacité pendant ces traitements avec
les chimiothérapies suivantes :
camptothécine (Campto®), doxorubicine (Adriamycine®),
Méchloréthamine et cyclophosphamide (Endoxan®),
vincristine (Oncovin®)
o Associations autorisées :
On peut associer le Curcuma avec certaines chimiothérapies pour
lesquelles nous avons des éléments expérimentaux de synergie
d’action/ potentialisation de l’efficacité de la chimiothérapie, à savoir :
o GEMCITABINE (Gemzar®)
o PACLITAXEL (Taxol®)
o DOCETAXEL (Taxotère®)
o OXALIPLATINE (Eloxatine®)
AINSI EN DEHORS DE CES 4 CHIMIOTHERAPIES, EN L’ABSENCE A CE JOUR
D’ELEMENTS SUGGERANT UNE SYNERGIE D’ACTION DU CURCUMA AVEC LA
CHIMIOTHERAPIE, IL EST RECOMMANDE DE PRENDRE LE CURCUMA EN
DEHORS DE LA PÉRIODE D’ACTION THERAPEUTIQUE DE LA
CHIMIOTHERAPIE. IL EST DONC NECESSAIRE D’OBTENIR L’AIDE DE SON
ONCOLOGUE CHIMIOTHERAPEUTE POUR DEFINIR LA PERIODE DE PRISE DU
CURCUMA S’IL EST PRIS A DES DOSES ELEVEES (au delà d’une cuillère café)
2. AVEC LA RADIOTHERAPIE : possibilité d’association, à voir avec son
radiothérapeute
o Des études montrent une potentialisation de l’action
anticancéreuse de la radiothérapie par le curcuma, ainsi que
protectrice des effets secondaires
o Mais il n’y a pas à ce jour d’études cliniques chez l’homme
l’intégrant dans une pratique quotidienne
o Ainsi, il est recommandé d’en discuter avec son radiothérapeute
car cette potentialisation pourrait ne pas être souhaitable suivant
le type de cancer.
3. EN PREVENTION/ PROTECTION D’UNE POLLUTION potentiellement
cancérigène
o doses de 300 à 600 mg de curcumine par jour, soit 1 à 2 cuillères à
soupe de curcuma (+ 1% de poivre noir)
o avec la prise alimentaire de Brocolis/ choux : présence de
sulfuraphane notamment ayant un effet neutralisant de certains
polluants1
-
EN CAS DE PRISE D’ANTICOAGULANTS ET D’ANTIPLAQUETTAIRES :
o ne pas dépasser 300 mg de curcumine (soit 1 cuillère à soupe de
curcuma) tous les deux jours pour éviter le cumul d’action
antithrombotique et éviter le risque d’hémorragies
-
PRISE DE FORTES DOSES DECONSEILLEES PENDANT LA GROSSESSE
PAR PRECAUTION : bien qu’on ne signale aucun cas d’effet indésirable
lié à la consommation de curcuma et de curcumanoides (curcumine et
dérivés) durant la grossesse compte tenu de leur importante
consommation par les populations indiennes sans effet secondaire à ce
niveau, certains auteurs estiment cependant qu’en raison de son
emploi « traditionnel » pour traiter l’aménorrhée (absence de
menstruations), les femmes enceintes devraient éviter de prendre de
fortes doses de curcuma ou extrait de curcuma.
-
DANS LES CAS D’ULCERES GASTRO DUODENAUX, ET DE CALCULS
BILIAIRES : ne pas dépasser 1 cuillère à soupe et 1 j sur 2 après le
traitement médical (Des chercheurs de l’institut de Roswell Park (New York) ont testé plusieurs régimes sur 5
groupes de souris. Le premier groupe a eu une régime « standard ». le second groupe a été
nourri avec du concentré de brocoli afin de vérifier l’innocuité du concentré. Les 3 autres
groupes ont reçu de la N-butyl-N-Nitrosamine, connu provoquer des cancers de vessie. Deux
de ces groupes ont également reçu du concentré de brocoli riche en sulfuraphane. Résultats :
dans le groupe contrôle et le groupe nourri avec du brocoli, aucune tumeur ne s’est déclarée
dans la vessie des rats. Dans le groupe recevant de la nitrosamine, 96% des rats ont eu des
tumeurs. Par comparaison, seulement 38% des rats ayant reçu de la nitrosamine accompagnée
de brocoli à haute dose ont développé un cancer de vessie. Pour les auteurs de l’étude, « la
prévention du cancer de vessie passe par la consommation de brocoli, même à des doses
inférieures à celles utilisées pour le test » J Am Ass for Caner Research, 2008-
Des mises à jour seront nécessaires avec l’avancée des connaissances,
Toutefois, ces recommandations sont nécessaires pour donner des repères à chacun
et éviter des prises inutiles voire réduction d’efficacité des traitements anti cancéreux
par une utilisation non orientée.
Il est de notre devoir de médecin de s’intéresser de près à tout ce qui peut influencer
le traitement préventif ou actif du cancer : on ne laisser les malades sans
recommandation dans ce domaine.
Par le
Dr Jean Loup Mouysset
oncologue médical
Aix en Provence
Président fondateur de l’association Ressource
Soutien des personnes atteintes de cancer et leur entourage
www.association-ressource.org
Remerciements :
A David Servan Schreber pour ses conseils et relectures de l’article
Bibliographie :
1. « le Curcuma » Loap et alo, NAFAS-Vol 5, N°1, Fev 2007
2. « Curcumin as « curecumin » : from kitchen to clinic », Biochemical Pharm 75
(2008) 787-809
3. « les aliments contre le cancer » Béliveau et Gingras, Editions Solar, jan 2006
4. « curcumin sensitizes human colorectal cancer xenografs in nude mice to
radiotion by targeting nuclear factor B-reglulated gene products »
Kunnumkkara et al – Cancer Theray : cancer biol therapy. 2008 Apr 4 ;7(7)
5. « Immunomodulatory effects of curcumin : in vivo », Int Immunopharmacol.
2008 may ; 8(5) : 688-700.
6. « Multitargeted therapy by curcumin : how spicy is it ? », Goel and Aggarwal,
Mol Nutr Food Res 2008 apr 2
7. « curcumin induces apoptosis in human neuroblastoma cells via inhibition of
NFKappaB » Freudlsperger et al, Anticancer Res.2008 Jan-Fev ;28 (1A) :20914
8. « effects of curcumin on bladder cancer cells and development of urothelial
tumors in a rat bladder carcinogenesis model, Tian B et al, Cancer lett 2008
mars
9. « curcumin potentiates antitumor activity of gemcitabine in an orthotopic model
of pancreatic cancer through suppression of proliferation, anglogenesis, and
inhibition of NFkappB-regulated gene products », Lunnumakkara et al, Cancer
Res 200è, Apr 15 ;67(8) :3853-61
10. « curcumin suppresses the paclitaxel-induced NFKappaB pathway in breast
cancer cells and inhibits lung metastasis of human breast cancer in nude
mice » Aggarwal et al, Clin Cancer Res 2005 ;11 (20) oct 15, 2005
11. « chemosensitization and radiosensitization of tumors by plan polyphénols » ,
Antioxid Redox Signal, 2005 nov-Dec ; 7(11-12) :1630-47
12. Editorial journal NCI , Andrea Carter : A.Carter A. « Curry Compound Fights
Cancer in the Clinic ». J Natl Cancer Inst 2008
POUR ALLER PLUS LOIN : Tableaux
Autres commentaires
Très récemment, (28 avril 2008) le National Cancer Institute (NCI- USA),
équivalent de l’Institut National du Cancer en France (InCa), a consacré son
éditorial au Curcuma, ce qui montre à quel point on s’intéresse au potentiel
thérapeutique de cette épice.
Editorial journal NCI , Andrea Carter
A.Carter A. Curry Compound Fights Cancer in the Clinic. J Natl Cancer Inst 2008
L’article rapporte les travaux mettant à jour les mécanismes moléculaires qui
permettraient d’expliquer les effets avérés du curcuma (avant tout in vitro et chez les
rongeurs mais en lien avec certaines études épidémiologiques chez l’homme et
plusieurs cas cliniques) et décrit notamment 2 études cliniques récentes :
phase II MD Anderson: 25 patients K pancréas, = curcuma seul ( 1 réponse partielle
de 73% , 4 maladies stables dont une survie 2,5 ans au delà de la survie espérée)
60 % de réduction de la croissance de polypes du colon ( malades suivi dans le
cadre d’une susceptibilité génétique : le syndrome polypose familial): essai non
randomisé J Hokpins University, Baltimore
Pour résumé, voici les effets répertoriés en cancérologie :
effet antiprolifératif
effet anti invasion tumorale (inhibition de la capacité à métastaser)
effet anti angiogénique
diminution de la chimio et radiorésistance
agent préventif anti cancéreux ( protection contre certains cancérigènes et radicaux
libres)
En études précliniques :
Agent protecteur de la toxicité d’agents cancérigènes ou radiations ionisantes
(carcinomes coliques, duodénum, œsophage, estomac, foie, sein, leucémies, ORL,
prostate, peau)
Inhibition prolifération tumorale in vitro
Activité anti tumorale chez l’animal, avec synergie d’action et potentialisation de
l’action de chimiothérapie
Mécanismes d’actions :
En études cliniques :
Tolérance chez l’Homme jusqu’à 12 g/ jour (étude phase I)
Activité anti inflammatoire et antirhumatismale (douleurs rhumatismales, et après
chirurgie pour hydrocèle/ hernies inguinales-scrotales : 400mg trois fois par jour de
curcumine similaire à 300 mg de phénylbutazone, anti inflammatoire de synthèse
Action réduction de symptomes dans les tumeurs cutanées : réduction de production
d’odeurs, sécrétions et douleurs ; diminution taille tumorale
Effets préventifs sur de multiples cancers : effet sur des lésions précancéreuses de
cancer de vessie, maladie de Bowen, carcinome in situ du col de l’utérus, leucoplasie
orale, métaplasie intestinale de l’estomac, infection à Helicobacter pylori (estomac).
Ces études cliniques ont montré des passages à des tumeurs malignes sous
traitement mais chez un nombre important de patients une régression histologique
avérée.
Voici les éléments que l’on peut donner pour l’utilisation de cette épice en
complément alimentaire : en effet, en prévention, l’apport d’une cuillère à café
(avec du poivre pour améliorer son absorption intestinale) semble suffisant.
Mais il faut 80 grammes (g) de curcuma pour extraire 2,5 g de curcumine,
molécule active qui nous intéresse.