Un excellent article de JeanLou Chaput de Futura Sciences qui montre que le seul fait d’exercer une pression physique sur des cellules malignes d’un cancer du sein suffit pour qu’elles perdent leur aptitude à se développer de manière anarchique et qu’elles s’organisent de la même façon que des cellules saines. Pourtant, les mutations sont toujours présentes…
En perçant les secrets du cancer du sein, il sera possible de trouver de nouveaux traitements, augmentant les chances de survie.
En juin dernier déjà, Mina Bissell faisait entendre sa voix lors d’un congrès à Édimbourg : non, le cancer n’est pas le seul fruit de mutations génétiques. Elle y défendait haut et fort la prépondérance du microenvironnement dans lequel baignent les cellules, considérant qu’une action à ce niveau pouvait empêcher le développement des tumeurs.
Avec ses collègues de l’université de Californie à Berkeley, elle récidive lors du congrès annuel de l’American Society for Cell Biology à San Francisco en révélant qu’ils sont parvenus à contrôler la croissance, l’organisation et la fonctionnalité de cellules cancéreuses sans médicament ni modification génétique. Leur seul traitement : une compression physique appliquée dans les premières phases de mise en place de la structure.
En guise de préambule, il est important de préciser qu’au cours de la vie, les tissus évoluent. C’est par exemple le cas des seins chez la femme, qui se développent, rétrécissent ou se modifient au cours des différentes phases du cycle de reproduction. Les auteurs se sont focalisés sur les acini mammaires, ces petites glandes en forme de grain de raisin qui sécrètent le lait chez la femme.
Les seins évoluent au cours de la vie d’une femme. Les tissus à l’intérieur aussi, en fonction de l’âge et du cycle de reproduction. Ainsi, les cellules épithéliales des acini peuvent parfois devenir cancéreuses. © Sagabardon, Flickr, cc by nc 2.0
En temps normal, les cellules qui les composent s’orientent et se divisent de manière à former une structure sphérique et creuse. Une fois agencées, elles arrêtent de se multiplier. Dans le cas d’un cancer du sein, cette capacité à s’arrêter au bon moment est perdue, les cellules continuant à se renouveler sans cesse et se montrant également incapables de former une structure organisée.
Comment les pousser à reprendre le schéma naturel et sain ? Les scientifiques, convaincus du rôle fondamental du microenvironnement dans le développement des tumeurs, ont alors modifié le contexte dans lequel évoluaient des lignées de cellules malignes de l’épithélium mammaire.
Des cellules cancéreuses mises sous pression
Placées dans une substance gélatineuse et injectées dans des chambres flexibles en silicone, les cellules étaient alors soumises à des pressions plus ou moins importantes dans les premières phases de la division cellulaire. Pendant sept jours, elles ont été filmées au microscope afin d’observer leur développement.
Les chercheurs ont précisé que les cellules cancéreuses comprimées croissaient de manière organisée, formant une structure ressemblant à des acini sains. La pression exercée induisait la rotation et l’orientation des cellules, comme en situation normale. Les divisions s’arrêtaient lorsque la structure était formée, même si on retirait les forces physiques appliquées.
Ces images en fluorescence montrent la différence de structure entre les cellules malignes non comprimées (à gauche) et celles comprimées (à droite), ces dernières prennent une forme bien plus proche d’un acinus sain. © Avec l’aimable autorisation de Daniel Fletcher, université de Californie à Berkeley
Gautham Venugopalan, l’un des auteurs, lance à l’assistance : « les cellules malignes n’ont pas complètement oublié comment devenir saines ; elles ont juste besoin du bon indice pour les pousser à retrouver une croissance normale ».
Une interdépendance entre mutation et microenvironnement
Un tel résultat semble conforter leur thèse : si les mutations sont indispensables au développement des cancers, elles ne sont pas les seules à intervenir. D’autres éléments, présents dans le microenvironnement, influent sur le devenir des cellules tumorales. Les deux phénomènes sont interdépendants.
Les auteurs ont raconté s’être livrés à une autre petite expérience. Dès qu’ils ont rompu les liaisons cellulaires dues à une glycoprotéine appelée cadhérine, les cellules tumorales pourtant bien organisées ont repris leurs multiplications anarchiques, donnant naissance à une structure sans organisation.
Comme ils l’ont précisé, leur objectif premier ne consiste pas à mettre au point une thérapie contre le cancer à partir de pressions physiques. Ils souhaitent simplement découvrir peu à peu les mystères que cache encore cette maladie pour mieux la soigner par la suite.